Sommes-nous condamnés à faire le mal malgré l’écoanxiété ?

Sommes-nous condamnés à faire le mal malgré l’écoanxiété ?

Temps de lecture : 6 minutes

Si le pire des péchés consiste à faire souffrir les autres par plaisir, alors le bien est tout ce qui est diamétralement opposé. Le bien est ce qui empêche que cela se produise.

Jordan B.Peterson, 12 règles pour une vie, p.283


By Gage Skidmore from Peoria, AZ, United States of America – Jordan Peterson, CC BY-SA 2.0
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=72024715

C’est curieux. Je me préoccupe de la catastrophe écologique et de l’équité entre les humain.e.s. Par l’écothérapie, je souhaite aider les gens tendre vers moins d’éco-anxiété et plus de justice sociale.

Pourtant, nous retrouvons le psychologue Jordan Peterson en exergue, alors qu’il est une personnalité publique qui minimise la catastrophe climatique et qui est pour le moins essentialiste sur des questions comme le genre et les inégalités.

Je ne m’accorde pas avec plusieurs des idées de cet auteur, mais je trouve cette définition décomplexée du bien et du mal[i] particulièrement pertinente comme prémisse au présent article.

Plus encore, je trouve qu’il ne va pas assez loin dans sa conception du mal ! Tel que défini, il semble seulement mettre l’emphase sur la souffrance que nous infligeons directement à autrui par plaisir, alors que la plupart du temps nous ne sommes pas témoins du mal que nous provoquons.

Pour mieux saisir ma définition élargie du mal selon Peterson, je crois qu’un regard panoramique s’impose. Je définirai d’abord ce que l’on entend par faire le mal directement. Puis nous survolerons les manières qui nous amène à faire souffrir les autres par plaisir, sans même en avoir vraiment conscience ou en pensant bien faire.

Qu’est-ce que signifie faire le mal directement pour son propre plaisir ?

Si le mal s’incarne par la souffrance que l’on inflige aux autres par plaisir, alors toutes les formes de violence motivées par le sadisme ou la domination égoïste rentrent dans cette catégorie.

La violence directe se manifeste sous différentes formes comme le fait de crier, discriminer, abuser sexuellement, frapper, humilier, intimider, voler, briser, etc. La plupart de ces violences sont condamnables moralement et en vertu de certains Codes criminels comme celui du Canada.

Vous et moi ne cherchons pas à faire du mal à autrui par plaisir ou pour dominer l’autre par des gestes impulsifs fortement répréhensibles comme la violence physique, sexuelle ou verbale. Seulement, il reste que le boudage le reproche ou le « tu qui tue » demeurent pour le moins courants et banalisés dans les relations qui ne pratiquent pas de manière exemplaire la communication non-violente [CNV].

D’autres formes de violences, cette fois envers les objets, peuvent se prêter à débats. Elles constituent parfois l’ultime recours pour celleux dont la voix n’est pas entendue et qui cherchent à faire valoir leur droit contre un État qui détient le monopole de la violence légitime. En ce sens, l’histoire des luttes « non-violentes » contre l’oppression a connu son lot d’actes de sabotages qui a mené aux révolutions que l’on connait aujourd’hui. Pensons aux syndicats pour les droits dans le travail, aux suffragettes pour le droit de vote des femmes, aux Indien.ne.s pour l’indépendance de leur pays, aux noir.e.s États-unien.ne.s pour l’abolition formelle[ii] de la ségrégation ou aux Sud-africain.ne.s pour la fin de l’apartheid[iii].

Les actes de violence non létales que ces différents groupes ont mis en pratique au cours de leurs processus d’émancipation peuvent nous paraître légitimes aujourd’hui. Est-ce pareil pour le mal indirect engendré uniquement pour notre propre plaisir ?

Qu’est-ce que faire le mal indirectement pour son propre plaisir ?

Même si les pratiquant.e.s chevronné.e.s  de la CNV évitent de blesser autrui par sadisme ou domination, ils peuvent faire souffrir l’autre involontairement.

En effet, les conditions de production de nos biens et services ont des impacts négatifs sur les humains. Entre autres, les heures supplémentaires non payées, le chantage au licenciement, l’exposition des travailleurs.euses à des produits ou des contextes dangereux, le harcèlement sexuel, le travail des enfants, l’esclavage et parfois le meurtre de celleux qui cherchent à défendre leur territoire de l’industrialisation non consentie. Sans oublier, cela induit une pollution extrême qui affecte le vivant et ce qui rend la vie possible (ex. air, eau, sol).

Par exemple, j’ai écrit cet article sur un portable Dell (certes vieux de 10 ans, mais quand même), à travers le système d’exploitation de Microsoft, pour ensuite le diffuser sur Facebook. C’est dans des conditions misérables pour les travailleurs.euses autres qu’occidentaux que ce portable s’est construit. C’est par des pratiques anticoncurrentielles que le système d’exploitation Windows prive les plus pauvres de ce service essentiel. C’est sur des serveurs gavés aux énergies fossiles que notre réseau social préféré emmagasine nos données personnelles.

Oui, je peux me nourrir de produits parfois locaux, parfois bio, parfois sans emballage, mais qui seront acheminés via un réseau routier colossal qui asphalte et bétonne la terre.

Toutes ces actions ont des impacts passés, présents et futurs sur les conditions de vie de milliards d’humains et le reste du vivant, même si ce sont des actions labélisées équitables.

Ici, nous pourrions avoir envie de nous dire des phrases de développement personnel comme « il faut bien se faire plaisir dans la vie », « je le mérite », « j’ai mis tellement d’effort, je peux bien me récompenser ». Des phrases dont la vocation est similaire aux slogans publicitaires promouvant la déculpabilisation en vue de notre surconsommation.

Ou bien, nous pourrions relativiser les conditions de travail de ceulleux qui produisent nos biens ou l’impacts de cette production sur le reste du vivant. Nous pourrions nous dire qu’au moins ils travaillent. En même temps, si les industries d’Occident accaparent leur terre pour ensuite leur dicter ce qu’ils doivent y produire, comment peut-on parler de liberté ? Ils pourraient partir me direz-vous. Est-ce si simple de se déraciner de son milieu ? Pas tant que ça. Alors, oui ils travaillent, mais nul conseiller.ère en orientation ne serait requis, puisque les options seront restreintes aux nécessités de ceux[iv] qui se sont approprié leurs milieu de vie (ex. banane, café, diamants).

Si vous vous dites que c’est un passage obligé pour qu’un jour iels puissent accéder aux mêmes privilèges que nous, dites-vous que nous produisons déjà suffisamment pour les sortir de là. Ce n’est pas une question de production, mais bien de redistribution et comme elle est laissée aux mains du marché et d’États de plus en plus « laisser faire », rien n’empêche que quelques-uns accumulent effrontément pendant que d’autres meurt de faim.

Sachant qu’ils peuvent maintenant mettre fin à la pauvreté et la famine, trouveriez-vous légitime que vos enfants, amis, parents soient qui celleux qui aient faims pendant que certains satisfont leur désir mégalomaniaque parce que nos États refuse de les forcer à redistribuer?

Moi non et pourtant par l’achat, je suis forcé à contribué indirectement au mal en faisant souffrir d’autres personnes pour mes propres besoins (certains nécessaires, d’autres non).

À notre défense, notre pouvoir individuel pour empêcher cette souffrance est futile. Ce sont les industries fossiles, minières, agroforestières, les fonds de placement, les banques, les États, etc. qui détiennent les principaux leviers de cette redistribution et qui plus est ont le monopole de la violence.

Pour notre part, notre contexte nous contraint dans la manière de satisfaire nos besoins et désirs. Condamné à faire indirectement le mal, n’est-ce pas une forme d’oppression caché sous forme de privilège ?

Peut-on satisfaire ses besoins sans faire souffrir qui que ce soit ?

Même si nous vivions dans l’autosuffisance la plus complète comme les peuples iroquoiens, algonquiens et inuits de jadis, nous porterions malgré toute la responsabilité de la souffrance ou de la mort directe ou indirecte du vivant. Satisfaire nos besoins de bases implique à minima d’infliger des souffrances à l’animal qui nous nourrit ou nous vêtit, l’arbre qui nous sert à construire, la plante qui nous guérit, etc.

Nous ne pouvons l’éviter. Ce n’est pas le but. Le but c’est la limitation de la souffrance à sa plus simple expression.

Conséquemment, viser la satisfaction de notre minimum vital sans prendre davantage ne devient plus seulement une question écologique, mais aussi une question morale. En limitant au maximum les dégâts infligés aux humains et au restes du vivant en consommant et produisant le moins possible nous nous approchons au jour le jour de ce but.

Certes, nous continuons à faire souffrir le vivant, mais au minimum.  

Avec un raisonnement dichotomique du type « tout ou rien », ce ne serait évidemment pas suffisant. Mais ça correspond à déjà beaucoup plus que ce que Jordan Peterson envisage lui-même comme façons de lutter contre la souffrance.

Oppression sadomasochiste

Mais nous l’avons vu, notre organisation économique actuelle ne favorise pas le moindre mal. Individuellement, on nous incite constamment par la pub à acheter. À moins d’être un maître du détachement, nous finissons par céder. La facilité d’accès favorise le comportement.

Alors nous jouissons et nous nous sentons coupables d’en prendre plaisir. Si nous refusons de participer à ses plaisirs, nous en souffrons et nous nous marginalisons vis-à-vis la majorité qui heurtée par notre refus, nous critique et avec mauvaise foi minimisent l’impact négatif de leurs pratiques.

Cessez de se sentir mal de faire « trop » souffrir ne trouvera pas sa source que dans l’action individuelle. L’industrie fossile facilite la mise en œuvre des autres activités destructrices (ex. exploitation des mines, monoculture, armement). Sans elle, nous n’enrayons pas le problème, mais nous le réduisons drastiquement.

Empêcher ceux qui sont les principaux responsables du mal qui accable le vivant et qui nous contraignent d’y participer serait là une solution collective envisageable pour sortir de cette oppression sadomasochiste.

Mais comment faire et par où commencer?

Mettre de l’ordre dans sa tête avec un écothérapeute peut-être un début.

Ce livre peut aussi faire office de guide :

Justin Sirois-Marcil, T.S., M. Serv. Soc.

Travailleur social, maitrise en service social, thérapeute ACT et écothérapeute

Thérapie / Intervention individuelle, de couple et de groupe

Approche : systémique, humaniste, thérapie d’acceptation et d’engagement (TCC de 3e vague)

Aide offerte : écoanxiété ; éco-anxiété ; écoémotion ; éco-émotions ; anxiété ; déprime ; épuisement ; adaptation ; burn-out écolo ; culpabilité ; honte ; communication ; cohérence ; masculinités ; rupture amoureuse ; deuil ; sens ; harcèlement ; impuissance ; lâcher prise ; prendre soin de soi ; équilibre.


[i] Je crois que Jordan Peterson fut en son temps un joueur de donjon et dragon et qu’il a longuement débattu à propos des alignements (bien, mal, loi, chaos). D’ailleurs le sous-titre de son livre est « Un antidote au chaos » où il distingue les notions de bien, de mal, d’ordre et de chaos.

[ii] La ségrégation demeure de manière informelle toutefois.

[iii] Gelderloos, P. (2018). Comment la non-violence protège l’État : Essai sur l’inefficacité des mouvements sociaux. Éd. Libre.

[iv] Comme ce se sont largement les hommes qui s’approprient ces terres, je n’ai pas cru bon de féminiser.

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