De l’éco-errance à l’écoanxiété

Dans mon dernier article[1], nous avons vu que la notion d’écoanxiété était dans « l’acception populaire »[2] réductrice.
Déjà, elle ne rend pas compte de cette oscillation entre la culpabilité que nous éprouvons face à notre impact individuel comme travailleurs et acheteur et l’impuissance que nous ressentons devant l’impossibilité à changer la norme qui nous amène à polluer et exploiter[3]. Même si nous consommons vert, travaillons pour une ONG écolo ou compensons notre pollution par la plantation d’arbres, nous nous sentons perpétuellement incohérent.e.s.
Conséquemment, j’avais choisi de définir l’écoanxiété comme une forme de double oppression, c’est-à-dire, le ressentit désagréable d’une personne qui se voit contrainte de polluer et de « profiter des inégalités » (oppression) pour être fonctionnelle socialement (oppressées).
Cela dit, peut-être que le terme d’oppression est exagéré pour une population de protoprivilégié.e.s[4] ? Peut-être aurait-il été préférable de parler d’une situation éco-oppressive ou d’un état éco-oppressant, considérant que l’Occidental moyen fait partie des populations les plus aisée du globe ?
Après la lecture de « Conscientisation. Recherche de Paolo Freire. »[5], j’ai pu déceler une définition similaire de l’oppression propre aux classes dites moyennes :
« Une de ces caractéristiques que nous avons mentionnées auparavant est le dualisme des opprimé.e.s qui sont en même temps [l’oppressé] et l’oppresseur dont iels ont intériorisé l’image. C’est pourquoi iels ont presque toujours des attitudes fatalistes envers leur situation, jusqu’à ce qu’iels “découvrent” concrètement leur oppresseur puis leur propre conscience. Dans leur aliénation, les opprimé.e.s veulent à tout prix ressembler à l’oppresseur, l’imiter, le suivre. Ce phénomène est surtout courant chez les opprimé.e.s de la classe moyenne qui aspirent à être les égaux des hommes “éminents” de la classe supérieure ».[6]
Ceci résume très bien la contradiction interne des classes aisées de l’Occident dont je fais partie. Nous sommes à la fois responsables des conséquences désastreuses des inégalités gargantuesques et de la pollution colossale engendrées par nos modes de vie et en même temps contraint.e.s d’agir ainsi par les normes qui conditionnent à la fois notre rapport à la nature (extractivisme), à l’humanité (exploitation), à notre réseau social (ostentation) et à soi (hédonisme, stimulation).
Pour en revenir à l’écoanxiété, j’affirmais dans l’article précédent que le terme était réducteur sans vraiment le substituer à un autre terme, faisant seulement le parallèle entre ce vécu et l’oppression[7]. Bien que ce vécu ne soit en rien comparable aux vécus oppressifs de celleux qui font partis du 90 % le plus pauvre, je demeure convaincu qu’il incarne bien l’oppression dualiste des « classes moyennes » présentée par Freire.
Dans le présent article, je propose d’explorer à nouveau le terme d’écoanxiété en s’interrogeant sur les notions d’éco et d’anxiété. À mon avis, il est important d’avoir des mots précis pour définir un vécu en particulier. Si nous devons constamment déconstruire la notion d’écoanxiété quand nous l’utilisons, si nous devons sans cesse la renvoyer à des définitions qui en invalident les racines étymologiques, c’est qu’elle porte à confusion. De cet approfondissement, nous nous intéresserons aux environnements sociaux et naturels qui activent ces écoémotions.
« Éco »

En grec, le mot éco fait référence à la maison ou à l’habitat. Si cela peut sembler limitatif, des termes comme économie (gestion d’un ménage, celui qui administre les biens) et écologie (étude du milieu) se représentent la maison (l’éco) au-delà des quatre murs qui soutiennent notre toit en faisant référence à des notions plus larges comme la cité ou la nature.
L’éco auquel nous ajoutons un vécu subjectif comme l’anxiété, signifie nécessairement que ledit vécu n’est pas uniquement le fait de l’interrelation de nos propres cognitions, émotions et sensations intérieures, mais également de l’influence de notre milieu sur notre ressenti interne. En effet, le milieu est cet « environnement [qui] englobe à la fois les dimensions interne et externe : l’interne social, l’externe social, l’interne physique et l’externe physique » de l’individu et son environnement comme un système dynamique et interactif, dans lequel chaque composante affecte et est affectée par les autres »[8]. La maison est à la fois l’intérieur et l’extérieur de nous-mêmes, elle nous englobe matériellement, culturellement, socialement et symboliquement.
Ces « éco » sont des milieux dont nous sommes dépendants, que l’on ne peut individuellement changer et desquels nous ne pouvons aisément nous extraire. Des milieux vis-à-vis desquels nous sommes vulnérables.
L’enfant est dépendant de son milieu familial, il ne peut le changer lui-même s’il est victime de violence ou de négligence et ce n’est que par une intervention extérieure qu’il peut en sortir (ex. la DPJ au Québec). Il en va de même des millions de réfugiés climatiques[9] qui ne peuvent en principe changer d’espace national sans l’accord explicite des pays d’accueil. Ils sont à la fois dépendant de leur pays d’origine, tant qu’ils ne peuvent en sortir, et dépendant du bon vouloir de la nouvelle nation qui « daignera » l’accueillir.
Certes, l’enfant peut fuguer ou le réfugié s’introduire « irrégulièrement » dans une nouvelle nation, mais pour quelle vie ? La personne qui cherche à fuir des conditions exécrables d’existence devra constamment se cacher des forces de l’ordre et des délateurs, angoissés par l’idée permanente de se faire attraper. Des gens peuvent les aider dans leur fuite, mais l’enfant ou le réfugié est à la merci de la délation ou de l’exploitation. Malgré la légitimité de son action, le fugitif vit malgré lui dans un espace de non-droit temporaire (pour le meilleur et pour le pire), jusqu’à ce qu’il se retrouve dans une situation souhaitée (ex. maison ou pays d’accueil) ou subie (maison ou pays d’origine).
Chacun de ces éco (espace de non-droit, milieu d’accueil ou d’origine) sont des lieux de captivité (prison) qui organisent, déterminent, limitent notre rapport au monde. Évidemment, toutes les prisons ne se valent pas. Certains lieux imposent moins de contraintes que d’autres. En fonction de notre statut social, économique, culturel ou symbolique, deux personnes n’auront pas la même « liberté » dans le même milieu.
Prison idéologique

Les histoires que nous nous racontons sur le monde et les histoires qui nous sont racontées contribuent à notre captivité en ce sens qu’elles déterminent nos manières d’être en relation. Si l’on perçoit les humains et la nature comme des ressources, notre rapport à ces derniers ne sera pas le même que si nous les percevons (vraiment) comme des « êtres sujets ». C’est toute la différence entre la vision du philosophe des Lumières Descartes, « Je pense, donc je suis », qui assimile tous les êtres qui ne sont pas dotés de « raison » à des automates, et la vision du naturaliste japonais Kinji Imanishi, « Je sens, donc je suis », qui est une approche inclusive puisqu’elle englobe l’ensemble des êtres sentients[10].
Parmi ces histoires, il y a l’idéologie comme sorte de récit qui nous habite et que nous habitons. Elle organise et délimite nos possibles; elle est un espace dans lequel nous vivons, une habitation au même titre que la ville ou le village avec ses codes, ses règles, ses aspirations. La plupart des idéologies exercent une domination partielle sur le monde qui sera délimité par des frontières nationale, générationnelle, culturelle ou autres.
Toutefois, « l’idéologie du progrès basée sur la combustion des énergies fossiles » – directement influencé par des penseurs des Lumières comme Descartes – est une totalité englobante qui influence la matière plus que toute autre idéologie l’ayant précédée. Cette idéologie a inspiré le capitalisme, le socialisme et le communisme et porte en elle l’idéal de croissance et d’affranchissement des contraintes imposées par les limites planétaires. Elle se dit salvatrice pour l’ensemble de l’humanité tout en servant les intérêts de certains plus que d’autres (nous y reviendrons).
Cette idéologie exerce une influence telle que nous l’habitons où que nous soyons (il est impossible de la fuir). Elle détermine la manière dont nous pouvons satisfaire nos besoins et impose ses propres limites à nos aspirations. Nous dépendons du commerce mondialisé, de l’innovation technologique croissante et de l’État régalien comme gardiens de la propriété pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires comme se nourrir, communiquer ou s’abriter.
Hormis dans de quelques espaces d’utopies[11] où chez les peuples[12] isolés qui n’ont pas encore été colonisés, il semble pratiquement impossible de s’extraire de la civilisation du progrès. Même ces derniers espaces ne sont pas totalement indépendants de l’influence de cette civilisation. D’abord, elle les contamine par la pollution qu’elle génère. Ensuite, ces lieux subsistent tout en pressentant, comme les fugueurs ou les réfugiés, que ce sursis ne peut être que temporaire, car la menace omniprésente des forces de l’ordre civilisationnel (police, armée, milices) prêt à (re)conquérir ces « zones du dehors »[13] plane sur eux.
La Terre est un autre lieu de captivité totale. Un lieu de captivité matérielle. Malgré les délires martiens de la Silicon Valley, nous sommes tous vulnérables face à notre planète. C’est notre maison, car nous en sommes dépendants, nous ne pouvons-nous en extraire (aucun agent extérieur ne peut nous en sortir) et nous ne pouvons seuls la changer.
L’idéologie du progrès basé sur les énergies fossiles nous a fait croire que nous pouvions devenir indépendants, contrôler la Terre, nous en extraire en devenant invulnérable à son influence. Contrairement à la religion qui nous promettait de nous en affranchir après la mort, cette idéologie nous a donné l’illusion que nous pouvions le faire de notre vivant.
La maison civilisationnelle nous a fait croire qu’elle pouvait se substituer à la maison Terre. Une maison où le contrôle par ou pour l’humain serait total.
Si pendant un court laps de temps, la maison du progrès a pu grandir sans trop de souci à l’intérieur de la maison-terre et remplir en partie ses promesses pour certain.e.s, l’ampleur qu’elle prend aujourd’hui ébranle les fondations physiques, chimiques et biologiques de la nature et le risque d’un double effondrement (civilisationnel et naturel) et du plus en plus palpable.
La civilisation nous propose de faire cohabiter les deux via le capitalisme vert ou encore l’écosocialisme. Mais les faits démentent cette possibilité. Par exemple, le prochain président de la COP 28 (un patron pétrolier) qui « détient actuellement une capacité de production quotidienne totale de plus de 4 millions de barils de pétrole […] prévoit aussi augmenter cette capacité jusqu’à plus de 5 millions de barils par jour d’ici 2030 »[14].
« Anxiété »

Ce mot est devenu omniprésent dans l’espace médiatique. On ne finit plus d’en entendre parler, entre autres, dans les émissions de radio, les magazines, le spectacle télé, les podcasts, les vidéos YouTube. On multiplie les sites[15], les publications, les livres pour apprendre à la gérer ou l’apprivoiser.
L’anxiété est d’abord une émotion spécifique qui fait écho à une pathologie, soit le trouble d’anxiété généralisé. Qui dit trouble de santé mentale, dit symptômes (ex. sommeil difficile, perte d’appétit, réactions physiques désagréables), qui entraînent à leur tour un dysfonctionnement social pour lequel un traitement psychologique ou pharmacologique sera sans doute nécessaire[16].
Au contraire, l’écoanxiété prétend justement expliquer une réaction qui, loin d’être une pathologie, serait l’anticipation lucide et chargée émotionnellement des conséquences d’une organisation globale néfaste à la pérennité du vivant. L’écoanxiété serait en conséquence le porte-étendard de toutes les émotions vécues face à la détérioration environnementale (colère, culpabilité, impuissance, espoir, etc.).
Mais malgré ces tentatives d’élargir sa signification usuelle, l’anxiété ne revoie toujours qu’à elle-même[17], c’est-à-dire à l’anticipation désagréable d’une situation face à laquelle la personne ne se sent pas apte, à tous les symptômes que cela provoque et évidement les trucs pour les « gérer ».
La destruction en règle de notre maison (les zones habitables de la Terre) par notre autre maison (l’idéologie du progrès basée sur les énergies fossiles) n’est pas une situation face à laquelle nous pouvons lucidement nous sentir aptes.
C’est normal, car nous nous sentons à la fois dépendants de ces deux maisons. Malgré les contradictions de plus en plus palpables de leur cohabitation, nous sommes vulnérables face à l’effondrement de l’une ou de l’autre.
Si l’on coupe tous les robinets de gaz, pétrole et charbon demain matin, du jour au lendemain, nous n’aurons même plus assez d’énergie pour satisfaire nos besoins les plus élémentaires[18]. Si nous continuons à en brûler, la planète deviendra une étuve d’ici deux siècles[19].
Malheureusement, bien que nous connaissions des alternatives[20], elles nous semblent inapplicables tant les forces en faveur du statu quo résistent à leur adoption. Par dépit ou illusion, nous tentons de faire cohabiter à tout prix ces deux maisons pour en tirer à la fois les bénéfices de l’une et de l’autre.
Écodichotomie : progrès VS nature

L’idéologie du progrès basé sur les énergies fossiles est la maison dans la maison. Une maison qui cherche à dompter et organiser la Terre au bénéfice de « l’humain » et qui prend de l’expansion au point de déstabiliser ses fondations.
Cette idéologie ressemble en tout point à un « parasitoïde », c’est-à-dire « un organisme qui se développe au détriment d’un autre organisme, appelé “hôte”, qu’il tue inévitablement au cours ou à la fin de ce développement […] Le “parasitoïsme” désigne l’interaction antagoniste durable qui se termine par la mise à mort de la victime. »[21]
La nature en est l’hôte, condamnée à mourir si le « parasitoïde » ne lui est pas retiré.
Ceci est embêtant pour la partie privilégiée des humains, car la nature et l’idéologie du progrès basé sur les énergies fossiles sont des conditions nécessaires pour maintenir cesdits privilèges.
Par privilèges, je ne parle pas seulement de futilités énergivores comme le voyage en avion ou la cryptomonnaie. Je parle de manière plus globale à l’accès aux innovations récentes, notamment en santé, aux plus grosses parts du gâteau du commerce mondialisé, dont l’abondante nourriture sur nos étagères, ainsi que l’État comme garant de la protection de nos propriétés privées (ex. les capitaux accumulés pour la retraite).
Nous sommes conscients que participer à faire croitre la maison du progrès technique, marchand et possessif, c’est concourir à la chute de la maison-nature qui nous permet de respirer, boire, manger…
Malgré l’instabilité grandissante, les avatars de l’idéologie du progrès défendent leur pertinence en exposant tous les bienfaits de leur administration de la maison. Grâce à l’innovation, le commerce et le droit de propriété, disent-ils, l’idéologie du progrès a permis aux gens de sortir de la pauvreté et de la famine. Le progrès leur a donné accès à l’éducation et a permis de développer leur conscience morale, ce qui les a amenés à reconnaître des droits aux travailleurs, aux femmes, aux enfants, aux homosexuels et même aux animaux[22]. Ils ajoutent qu’y renoncer, ce serait revenir à l’époque barbare de l’âge de pierre.
Comme c’est une idéologie totalisante, renoncer à agir dans le sens du progrès revient à se marginaliser. En effet, la norme sociale est à toujours plus d’innovation, de commerce et de propriété dans ses relations formelles et informelles.
Pour concilier les deux et s’extraire de cette dichotomie, l’innovation propose des stratégies d’adaptation, de substitution et de réparation. Quant à elle, la finance effectue des stratégies de dissuasion et d’incitation et impose un prix sur absolument tout afin d’éviter le mythe de la « tragédie des communs »[23] (ce qui accroit aussi de manière signifiante les inégalités).
Bien que toutes ces stratégies semblent pertinentes au premier abord, elles n’en constituent pas moins des formes d’écoblanchiment des plus variées dont le but est de différer l’inévitable moment où nous devrons rejeter la maison du progrès basé sur les énergies fossiles avant d’être rejetés par la maison de la nature.
De l’éco-errance à l’écovulnérabilité face au délitement du progrès

Enfin, beaucoup d’entre nous sont nés et ont grandi au sein de la civilisation du progrès. Nous avons dès la naissance été bercés par l’illusion d’invulnérabilité promise par le progrès. Rien ne devait compromettre nos aspirations normatives à étudier, trouver un travail, acheter un logis, voyager annuellement en avion, fonder une famille et prendre sa retraite dans la soixantaine. Un avenir sécuritaire, confortable et sans douleur nous était garanti. Un avenir qui, comme notre présent, ne serait jamais à court d’énergie, de nourriture, de soins de santé, de liberté, de démocratie, etc. Nous étions invulnérables aux risques de la nature, hors-sol, confinés dans nos cocons douillets, chauffés et climatisés.
Puis, il y a eu le choc. Nous avons réalisé que les changements climatiques induits par la combustion fossile pouvaient à terme anéantir les conditions d’existence de la civilisation capitaliste. Ces boulversements menacent de nous (re)plonger dans les mêmes états de vulnérabilité que les populations les plus pauvres ou ayant vécues avant l’avènement de l’époque industrielle. De surcroit, ces bouleversements sont en voit de dérégler pour de bon l’Holocène[24], rendant notre environnement encore plus difficile à l’adaptation (surtout si nous n’avons plus accès aux énergies fossiles qui la facilitaient).
Comme le souligne Frédéric Lordon[25] du Monde diplomatique, tant que nous ne nous intéressons qu’aux changements climatiques en eux-mêmes, c’est-à-dire les symptômes d’un « progrès » rendu possible par la combustion des énergies fossiles, nous demeurons coincés dans un état d’anxiété paralysant. Au moment où la civilisation s’écroulera, nous serons percutés de plein fouet par notre vulnérabilité. Nous n’avons pas les savoir-faire pour satisfaire les besoins qui étaient pris en charge par l’innovation, le commerce, l’État, bref, par les progrès basés sur les énergies fossiles.
Mais à partir du moment où nous constatons les dégâts engendrés par cette obsession pour l’invulnérabilité, pour la construction d’une maison dans la maison qui soit à l’abri de toutes les formes de vulnérabilité (pour un nombre toujours plus restreint), il y a de quoi devenir écofurieux[26]. Moins nous sommes exposés à l’insécurité, l’inconfort, la douleur, plus nous y sommes sensibles. Et dans notre habitat écoprogressif, sensibles, nous le sommes ! L’éventualité de la guerre, des pandémies, des coupures d’électricités prolongées, de la montée des eaux, ne sont plus seulement des fictions. Elles deviennent réalité pour une civilisation qui se croyait à l’abri des contingences de la nature.
Plutôt que de nous permettre d’apprivoiser nos vulnérabilités en apprenant à vivre avec les limites de la Terre, la maison du progrès s’est construite sur la promesse de nous en affranchir. Tout a été mis en œuvre pour éviter notre condition primaire de vulnérabilité.
C’est dans cette illusion que nous, protoprivilégié.e.s, sommes né.e.s. Nous sommes parmi les premières générations à avoir vu le jour dans un monde où nos nécessités étaient comblées sans trop d’effort. Nous (ré)apprenons aujourd’hui qu’avec la détérioration environnementale, nous sommes vulnérables à notre milieu. Nous sommes écovulnérables et ce, malgré tous les artifices de l’idéologie du progrès qui parvient à maintenir à grand-peine la façade, pour le moment.
Que faire ?

Nous pouvons :
- L’ignorer et en profiter pour le temps qui reste;
- Tenter de faire cohabiter le progrès basé sur les énergies fossiles et la nature, tout en s’adaptant aux conséquences des effondrements que cette exploitation induit, ou;
- Reconnaître que la Terre a ses limites à ne pas dépasser si nous voulons demeurer son hôte, reconnecter pour le meilleur et pour le pire à notre condition d’espèce vulnérable à son environnement et, comme les autres espèces, s’aménager quelques pièces passablement confortables, sécuritaires et indolores (ex. Biorégion[27]) dans cette seule maison qui nous est impossible de « déshabiter » : la Terre.
Si aucune de ces solutions n’est facile, seule la trois ne condamne pas l’espèce humaines et ce qui reste encore de vivant à l’extinction.
Merci à Valérie et Geneviève pour la révision.
Justin Sirois-Marcil, T.S., M. Serv. Soc.
Travailleur social, maitrise en service social, thérapeute ACT et écothérapeute
Thérapie / Intervention individuelle, de couple et de groupe
Approche : systémique, humaniste, thérapie d’acceptation et d’engagement (TCC de 3e vague)
Aide offerte : écoanxiété ; éco-anxiété ; écoémotion ; éco-émotions ; anxiété ; déprime ; épuisement ; adaptation ; burn-out écolo ; culpabilité ; honte ; communication ; cohérence ; masculinités ; rupture amoureuse ; deuil ; sens ; harcèlement ; impuissance ; lâcher prise ; prendre soin de soi ; équilibre.
[1] Si vous ne l’avez pas lu, je vous invite à vous y plonger au préalable : https://www.lobevert.com/2022/06/09/mea-culpa-dun-ecotherapeute/
[2] Ce n’était pas explicite dans l’article précédent, mais je le précise afin de distinguer l’acception populaire qui tend à réduire l’écoanxiété à une simple pathologie a traiter et les définitions plus nuancées que l’on retrouve dans la recherche comme par exemple : https://journals.openedition.org/ere/8159
[3] Même après avoir grappillé quelques écogestes sur le site de la compagnie d’énergie Total : https://www.totalenergies.fr/eco-gestes
[4] Par protoprivilégié.e, vous aurez compris que je parle tout autant de moi que de la plupart des personnes qui liront l’article (il est peu probable que Bill Gates s’y attarde). bref de ce 10 % (- le 1% des ultra-riches) des ménages qui s’accaparent 52 % du revenu mondial et possèdent 76 % du patrimoine global selon le Rapport sur les inégalités, ce +/-10 % de personnes dans le monde qui ont accès à un régime de retraite : https://vu.fr/OjGZ ou qui peuvent prendre l’avion : https://stay-grounded.org/position-paper/
[5] Freire, P. (1971). Conscientisation. Recherche de Paolo Freire. L’Institut Œcuménique Pour le Développement des Peuples [INODEP]. Lien :
[6] https://www.bibliofreire.org/conscientisation-recherche-de-paulo-freire/#311_Loppression
[7] J’avais évoqué l’idée d’écolucidité proposée par l’écosociologue Laure Waridel et l’astrophysicien Aurélien Barrau, mais le président français Emmanuel Macron avait déjà coopté le mot afin de l’utiliser pour justifier son idéal de croissance économique. Peut-être pourrions-nous utiliser le terme « éco-conscience », mais il y a fort à parier que Justin Trudeau le reprendra à son compte pour justifier l’exploitation des sables bitumineux.
[8] https://www.cairn.info/revue-forum-2019-2-page-46.htm
[9] https://www.unhcr.org/be/activites/changement-climatique-et-deplacements
[10] https://reporterre.net/Kinji-Imanishi-penseur-meconnu-de-l-interconnexion-du-vivant
[11] https://www.france.tv/slash/utopie-s/#Selection
[12] https://www.survivalinternational.fr/peuples
[13] Je reprends ici le titre évocateur du livre du même nom d’Alain Damasio.
[14] https://www.ledevoir.com/environnement/777507/environnement-la-prochaine-conference-climat-de-l-onu-presidee-par-le-president-d-une-petroliere
[15] 2 milliards d’occurrences avec le mot « anxiety » dans le moteur de recherche Google et 33 millions pour écoanxiété.
[16] Même si être fonctionnel socialement dans le cadre de la norme actuelle est clairement destructeur pour la maison Terre et inégalitaire pour ceux qui subissent la civilisation du progrès.
[17] Comme intervenant qui s’affiche comme écothérapeute aidant les personnes dites écoanxieuses, il est plus fréquent que les gens m’appellent pour avoir de l’aide non psychothérapeutique avec l’anxiété, qu’avec l’écoanxiété. Comme si leur esprit ne voyait juste pas le suffixe qui précédait l’émotion.
[18] Voir la bande dessinée « Le monde sans fin » (2022) de Jean-Marc Jancovici, Christophe Blain et Clémence Sapin aux éditions Dargaud.
[19] https://doi.org/10.1073/pnas.1810141115
[20] Historiquement, les humains ont vécu dans beaucoup d’autres modèles que des civilisations destructrices. Les penseurs et militants nous fournissent de multiples pistes de solution depuis des décennies comme la décroissance, la décolonisation, la transition juste, etc.
[21] https://fr.wikipedia.org/wiki/Parasito%C3%AFde
[22] Quid du commerce et de l’innovation qui reposent toutes deux sur la combustion des énergies fossiles et des métaux extraits par des esclaves rémunérés. Quid du droit de propriété qui repose sur la dépossession de la majorité au bénéfice d’une minorité. Quid de ces peuples qui vivaient et vivent en dehors de la civilisation capitaliste qui ne sont ni classiste, sexiste, raciste, anthropocentriste, bref qui n’oppressaient pas la différence.
[23] https://iris-recherche.qc.ca/blogue/environnement-ressources-et-energie/quest-ce-que-la-tragedie-des-biens-communs/
[24] Ère géologique actuelle caractérisée par une grande stabilité climatique et qui aurait permis l’émergence de l’agriculture il y a environ 10 000 ans.
[25] https://www.youtube.com/watch?v=CrKmxPkV2jY
[26] https://youmatter.world/fr/ecologie-eco-furieux-colere-activisme/
[27] https://lareleveetlapeste.fr/les-bioregions-une-geographie-alternative-pour-un-repeuplement-des-campagnes-plus-vertueux/